Quelle est la dynamique d'ouverture des publications par les éditeurs ?
Le paysage éditorial mondial est extrêmement diversifié. On dénombre environ 12 000 éditeurs scientifiques sur la planète, qui ont une histoire différente. Il peut s'agir d'entreprises commerciales ou de structures à but non lucratif, d'entreprises d'édition nationales ou multinationales, de sociétés savantes, de presses universitaires au statut public, etc. Certains acteurs sont nés pour publier en accès ouvert, tandis que d'autres ont engagé plus ou moins fortement et récemment un transition vers l'accès ouvert, avec des modèles variés. On constate une tendance partagée à publier de plus en plus en accès ouvert.
On ne mesure pas ici le taux d'accès ouvert des éditeurs français, mais des éditeurs dans lesquels les chercheurs français publient. On ne mesure pas non plus la réduction progressive des durées de barrières mobiles.
Quels sont les modèles économiques des revues où sont publiés les articles en accès ouvert ?
La diffusion d'articles en accès ouvert par les éditeurs de revues scientifiques s'appuie sur des modèles économiques variés. Certains éditeurs ont remplacé les revenus traditionnellement issus des abonnements par le paiement de frais de publications (APC) facturés à l'article, à la charge des chercheurs, de leurs institutions ou de leurs financeurs. Ce changement de modèle s'opère généralement à l'échelle d'une revue entière (modèle tout APC), mais il arrive que, pour certains titres, les éditeurs maintiennent l'abonnement tout en proposant aux auteurs d'ouvrir leur article moyennant le paiement de frais de publication (modèle dit hybride), en instaurant ainsi un double paiement particulièrement peu lisible. Certains éditeurs ne facturent pas de frais de publication mais mobilisent, dans le cadre d'une activité non commerciale, des financements issus d'États, d'acteurs publics, d'universités ou d'autres organisations à but non lucratif, afin de financer en amont l'activité éditoriale et de publication : c'est ce qu'on appelle la voie diamant. Enfin, d'autres modèles existent, comme celui consistant pour l'éditeur à percevoir des abonnements pour les publications les plus récentes tout en les diffusant en accès ouvert au terme d'un délai fixé (barrière mobile).
Quelles sont les politiques d'ouverture des éditeurs ?
En 2016, la loi pour une République numérique a rendu possible, pour les chercheurs qui ont publié un article scientifique chez un éditeur, d'en déposer la version acceptée pour publication dans une archive ouverte, moyennant un délai (embargo) qui peut être fixé par l'éditeur mais ne peut excéder 6 mois pour les sciences, techniques et médecine et 12 mois pour les sciences humaines et sociales. Le dépôt en archive ouverte constitue donc le moyen de contrebalancer la politique restrictive de certains éditeurs en matière d'accès ouvert et joue dans ce cas un rôle décisif dans l'accès de tous aux résultats de la recherche française. À l'inverse, lorsque l'éditeur publie nativement en accès ouvert, le dépôt en archive ouverte peut apparaître moins nécessaire aux auteurs. Il reste cependant utile et souhaitable. Un dépôt sur l'archive ouverte nationale HAL permet ainsi de garantir la conservation pérenne des contenus et la maîtrise des résultats de la recherche scientifique française, quels que soient les aléas qui touchent les éditeurs ou leurs plateformes de diffusion.
Quel est le poids des revues présentes dans la liste de Beall dans le total de la production française ?
Les revues prédatrices sont caractérisées par une absence de réelles pratiques d'évaluation par les pairs. Elles ont en général une approche marketing agressive à destination des auteurs, publient en un temps record, sans évaluation, sont peu attentives à la diffusion de leur production et font payer des frais de publication pour un service qui n'apporte pas les qualités attendues pour un éditeur scientifique. Il est délicat d'estimer l'attractivité de ces revues chez les chercheurs français, l'établissement d'une liste d'éditeurs et de revues prédatrices étant très difficile, pour de nombreuses raisons. En nous appuyant sur la dernière version connue de la liste dite "de Beall", liste très controversée, nous estimons que 3 % au maximum des publications françaises publiées en 2020 relèveraient de revues dites prédatrices, soit environ 4 900 articles. Nous ne diffusons cependant pas de graphique et de jeu de données, car nous ne disposons pas d'une méthodologie et de données sources faisant assez consensus. Nous continuons à explorer ce sujet pour trouver une méthode qui serait plus robuste.
Quelles licences sont utilisées pour l’ouverture des publications françaises ?
L'accès ouvert aux publications scientifiques suppose non seulement la possibilité de les lire sans avoir à surmonter de barrière tarifaire ou technique, mais encore la possibilité de les réutiliser en citant leur(s) auteur(es). Les conditions précises de réutilisation sont définies au moyen de licences libres, en particulier les licences Creative Commons qui sont les plus couramment utilisées. Ainsi les éditeurs qui mettent en œuvre une politique de science ouverte devraient non seulement diffuser les publications en accès ouvert, mais y apposer une licence libre sécurisant la réutilisation des contenus par les lecteurs, qu'il s'agisse de chercheurs, d'enseignants, de professionnels ou d'autres acteurs sociaux. L'utilisation des licences facilite ainsi la diffusion des connaissances scientifiques dans la société.
Quel est l'impact financier des frais de publication ?
L'un des modèles de financement de la publication scientifique en accès ouvert repose sur le paiement de frais de publications (APC) que les éditeurs facturent à l'article et qui sont pris en charge par les chercheurs, leurs institutions ou leurs financeurs. Ce modèle est le fait d'éditeurs commerciaux, à qui il permet en particulier d'aménager une transition vers l'abandon des abonnements tout en maintenant leur marge bénéficiaire. Il se révèle très onéreux et incertain pour les institutions de recherche publiques, d'autant plus qu'il s'accompagne d'une inflation du nombre d'articles publiés. Il devrait être mis en balance avec d'autres modèles économiques vertueux - en particulier le modèle "diamant" - qui permettent une plus grande maîtrise des coûts et une plus grande équité dans l'accès à la publication pour les chercheurs.